S’injecter du rêve
Le Caire - CocaCola l'a choisie comme effigie, forçant son grand rival Pepsi à explorer à son tour le vivier des bimbos libanaises. L'offre ne manque pas, le marché en est saturé.
Rien de plus qu'une Britney Spears orientale, peut-être. Mais illustration dansante des paradoxes d'une société qui aime à fantasmer sur ses propres interdits. Là où les femmes sont priées de cacher ces corps que l'on ne saurait imaginer, l'érotisme à peine suggéré s'affiche en musique ; et on se délecte du spectacle, en famille, à l'heure du repas. Comme une injection de paillettes. Du Yémen au Maroc, en passant par le Liban et l'Egypte, Nancy Ajram affole les ondes du monde arabe. Ses clips inondent les chaînes câblées du proche Orient, ses concerts créent l'émeute et les publicitaires s'arrachent son sourire. En plein cœur du Caire, la belle est partout. Panneaux publicitaires géants accrochés aux immeubles, cannettes de soda et t-shirts dans le souk, « Nancy » - comme disent ses fans - étale son hégémonie.
Et que chante-t-elle, la belle ? L’amour, évidemment. Ah … schizophrénie, quand tu nous tiens ! Ici, les mariages restent trop souvent l’affaire des parents, les idylles adolescentes sont clandestines et on en viendrait à s’attendrir quand un jeune couple se prend furtivement la main sur un des ces grands ponts qui enjambent le Nil – hauts lieux des rendez-vous galants ici – le dos tourné à la six voies, les yeux perdus dans la masse des buildings en bord de fleuve. Dans l’univers qui vît naître la belle Shéhérazade, l’amour et l’érotisme n’appartiennent-ils plus qu’aux rêves ? NancyExtrait.mp3