Les fans à tics s'attaquent aux idoles
Statues en danger – Dans son édition d’aujourd’hui, le Daily Star annonce que le grand mufti d’Egypte vient d’édicter une fatwa (avis juridique) condamnant l’exposition de statues chez soi. Ali Gomaa, tête à penser de la puissante université d’El-Azhar, fonde son offensive sur certains hadith (textes rapportant les paroles du Prophète), qui précisent que toute représentation d’êtres vivants – humains comme animaux – est haram (péché, interdit) Sans citer clairement les musées et les lieux publics, le mufti s’en est tout de même pris aux sculpteurs, qui « connaîtront les pires tourments, au moment du jour dernier », selon un hadith que Ali Gomaa a repris à son compte. Cette fatwa est censée annuler un avis contraire, édicté il y a plus de 100 ans par le mufti de l’époque, qui autorisait la possession de statues à usage privé.
Si, par définition, une fatwa n’est jamais obligatoire (elle n’est qu’une direction, un avis donné sur une question précise), celle-ci à de quoi faire sourire… jaune ou pas, c’est selon.
D’un point de vue purement pragmatique, bien entendu, la sculpture survivra en Egypte. D’ailleurs, que resterait-il au pays, si l’on devait détruire toutes les créations que ses hommes ont façonnées depuis plus de 4000 ans ? Peut-on raisonnablement imaginer une cohorte de destructeurs écumer les milliers de temples du pays, effacer les fresques, raser le musée du Caire et faire les greniers de plus de 70 millions de personnes ? Aucun risque tangible.
Mais peut-on oublier que c’est exactement ce genre de manipulation qui fit tomber, il y a cinq ans déjà, deux bouddhas géants sculptés dans la roche afghane ? Cet assassinat culturel fut justifié par le même argument du péché de la représentation. Le « mufti » s’appelait alors Mohammed Omar. C’était un taliban.
[photos prises dans les jardins de l’opéra du Caire et au musée d’Arts Modernes]