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Don't you Caire ?
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Don't you Caire ?
7 novembre 2005

La croix de l'Egypte

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Quartier Copte, vieux Caire - C’est un sujet tabou ici et pourtant tellement présent : les chrétiens d’Egypte et leur intégration. La population égyptienne compterait environ 10% de chrétiens coptes. Communauté chrétienne la plus ancienne et la plus importante du Moyen Orient, les Coptes sont toujours victimes de discrimination. Selon Christophe Ayad – correspondant de Libération au Caire de 1994 à 2000 et auteur de l’excellent « Géopolitique de l’Egypte » – la question copte est le véritable talon d’Achille de l’Egypte, le révélateur du rétrécissement de l’identité égyptienne à sa composante islamique. Car oublier les Coptes, dans le paysage égyptien, c’est oublier des millions de personnes et un très long passé. C’est en 42 après J.-C que Saint Marc fonda la première église d’Egypte. D’ailleurs, ironiquement, le mot « copte » signifie « égyptien ». En gros, les Egyptiens coptes sont aujourd’hui les descendants des Egyptiens qui ne se sont pas convertis à L’Islam, après la conquête arabe. Divorcé d’avec Rome depuis le concile de Chalcédoine de 451, les Coptes ne répondent aujourd’hui qu’à la seule autorité de leur patriarche orthodoxe d’Alexandrie, Chenouda III.

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Direct descendants des Egyptiens du temps des pharaons, donc, les Coptes ne sont pourtant pas considérés comme citoyens à part entière. Une vérité dérangeante, car contraire à l’image chérie de « l’unité nationale égyptienne ». Et s’il est vrai que l’Egypte a connu un « âge d’or » de l’entente confessionnelle, au moment de la lutte contre le colonisateur britannique, l’union semble aujourd’hui bien lointaine. Malgré une place reconnue par la Constitution, les Coptes d’Egypte souffrent toujours de sérieuses discriminations. Simple exemple : la construction de nouvelles églises était encore récemment soumise à une loi datant de l’époque ottomane (qui s’est achevée en en 1817 !) et qui réclamait l’autorisation du chef de l’Etat. Aujourd’hui, c’est au Gouverneur local de donner son accord, ce qui ne garantit en rien, d’ailleurs, davantage d’équité. Un chiffre, cette fois : les Coptes ne représenteraient que 1,5% des emplois de la fonction publique. Les postes de gouverneurs locaux, de doyens d’universités et la haute hiérarchie militaire leurs sont refusés. Ils ne peuvent pas non plus enseigner l’Arabe – qu’ils maîtrisent forcément aussi bien que n’importe quel Egyptien – après l’école primaire. Leur représentation politique suit évidemment cette tendance à l’effacement. A la veille du premier tour des législatives, le parti Parti National Démocrate (PND) au pouvoir ne présente que deux candidats coptes dans ses rangs, sur un total de 444. 

Victimes d’une discrimination profonde au quotidien, les Coptes redoutent davantage les poussées de violence sporadiques, généralement déclenchées par des groupes islamistes en lutte avec l’Etat. En s’attaquant ainsi à une minorité, les Islamistes s’en prennent directement à l’Etat, alors pris en étau entre le devoir de protéger une partie de sa population et les reproches de favoritisme que pourrait lui faire la majorité musulmane. Derniers faits en date – extrêmement graves : pas plus tard qu’il y a deux semaines, des manifestations anti-Coptes ont eu lieu à Alexandrie. Au centre du conflit, une pièce de théâtre attribuée à l’église Saint-Georges d’Alexandrie et jugée insultante envers l’Islam. Certainement encouragés par quelques groupuscules extrémistes, les manifestants s’en sont pris aux intérêts coptes, brûlant des voitures et jetant des pierres sur des commerces et des églises. Plus grave encore, trois personnes auraient trouvé la mort dans ces incidents d’un autre âge, que l’on penserait oublié en Egypte.

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Commentaires
S
Bonjour Arnaud,<br /> Je découvre votre blog et vos articles. Très juste et très intéressant ce que vous avez écrit à propos du "monde arabe" et de l'islam, et infos précieuses pour moi avec ce sujet sur les coptes en Egypte... Je suis d'origine syrienne, par ma mère, qui a dû quitter une nuit subitement son pays. Chrétiens orthodoxes, et minoritaires dans leur village, mes grands-parents sont d'abord passés au Liban, avant d'arriver en France. Ma mère était trop jeune pour pouvoir me relater exactement les faits, et mes grands-parents ont, par pudeur je pense, évité de parler de ces moments douloureux. Ils ont laissé leur terre, leur maison, et leurs parents respectifs car trop âgés pour pouvoir fuir... Je regrette aujourd'hui de ne pas avoir cherché à en savoir plus, car bien entendu ils sont partis tous deux. Après 2 voyages en Egypte, je me suis comme en quelque sorte "réconciliée" avec mes origines (avec un nom de famille "bien français", je sais combien il fut difficile de parler de cela à l'école ou ailleurs sans être l'objet de moqueries ou de subir des propos désobligeants, et de devoir justement à ce titre expliquer la différence entre "arabe" et "musulman"). Mes lectures sur ce pays (l'Egypte) m'aident aussi à rétablir un lien. Je ne sais pas si un jour j'irai en Syrie, mais j'ai besoin d'avoir des réponses. Se serait-il passé déjà à l'époque ce qui se passe ne Egypte ? Pouvez-vous me dire si l'on peut appliquer à ce pays ce que vous expliquez à propos des coptes ? Avez-vous des références, des lectures à me conseiller pour mieux comprendre sur ce qui s'est passé dans les années 45/50 en Syrie...Les "chrétiens orthodoxes" syriens ont-ils un lien avec les coptes d'Egypte...? compte-tenu que l'Egypte pharaonique a mené des campagnes jusque dans ce pays ? Merci d'avance et je vais continuer à découvrir votre blog, ce qui va m'aider à préparer mes quelques jours au Caire (que je ne connais pas encore)en janvier prochain. Bien sincèrement.
N
raaah fred arrête je vais pleurer...
F
J'avais parcouru vaguement un article qui mentionnait ces manifestations. Evénement perdu dans la masse médiatique et qui glissa dans mon esprit pour se blottir aux côtés des centaines d'événements du même type que les journaux nous accablent. Mais ton commentaire me révèle la complexité des enjeux d'un conflit noyé dans l'Information. Il suffit d'une petite remise en contexte claire, d'une histoire mieux ancrée, moins superficielle pour vraiment faire passer un message. Tu ne vend pas du papier, tu fais quelque chose de rare : du journalisme.
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