La multiplication qui fait division
Le Caire, centre ville - A une semaine du premier tour de scrutin, dans la région du Caire, c'est le printemps électoral. Partout, les affiches fleurissent et les banderoles bourgeonnent. Sauf que le temps des premiers amours semble bien loin. Les belles alliances se défont au rythme des trahisons internes et c'est malheureusement l'opposition qui en souffre le plus. D'après un journaliste de l'AFP, qui connait bien la scène politique égyptienne, l'opposition serait victime de son manque d'organisation et des nombreuses luttes internes qui la déchirent. Un phénomène que l'on peut aisément comprendre, quand on se penche sur la composition du fameux National Front for Change (NFC), qui réunit un spectre de partis extrêmement éloignés, tant dans leurs structures que dans leurs convictions. La volonté d'opposer un adversaire unique au PND de Moubarak ne résisterait pas aux divergences idéologiques et aux ambitions personnelles. Résultat, le Front ne serait uni que sur la papier et l'on sait déjà que dans de nombreuses circonscriptions, ils seront plusieurs candidats du Front à s'affronter.
Mais la division n'éloigne pas que les partis entre eux. Elle ronge les différents groupes de l'intérieur. L'exemple du parti Ghad ("Demain") est éloquent. Fort d'une certaine popularité et emmené par un leader qui aurait frôlé les 10% lors des dernières présidentielles, le parti libéral ne semble pas en mesure d'assumer ses propres ambitions. Pas plus épargné que les autres, Le Ghad d'Aymane Nour devra faire face à une dissidence interne, depuis qu'un groupe de 65 candidats a fait sécession, pour se présenter en dehors du parti. Des dissidents internes qui reprocheraient à Ayman Nour sa gestion "dictatoriale". Il n'empêche que ces candidats se présenteront quand même sous l'étiquette du Ghad. Confusion assurée pour les électeurs - et notamment ceux qui verront s'affronter deux candidats du Ghad dans la même circonscription! - et risque supplémentaire de voir l'opposition, dans son ensemble, en payer le prix.
Toujours dans le rang de l'opposition, les Frères Musulmans innovent : "interdits mais tolérés" comme toujours, ils ne cachent cependant plus leur appartenance, affichant clairement celle-ci sur leurs affiches et dans leurs slogans. "L'islam pour l'avenir", une phrase que l'on n'aurait pas pu lire si clairement il y a cinq ans. Toujours selon le journaliste de l'AFP, cette relative clémence du pouvoir, envers les Frères, pourrait bien être purement stratégique : en les laissant s'afficher plus ostensiblement, mais en s'assurant de leur défaite, le pouvoir pourrait ainsi les décrédibiliser publiquement. "Nous vous avons laissé une grande liberté, vous avez pu vous afficher...voilà le résultat". A voir.
Diviser pour mieux régner. Le principe a fait école depuis longtemps. Et s'il n'est même plus besoin de pousser à la division, parce que l'adversaire s'en occupe lui-même, alors la situation du leader devient plus confortable encore.